Chapitre XXI - CERVETERI - AGYLLA ou CAERE (deuxième partie)

 Le principal intérêt de Caere, cependant, réside dans ses tombes. On en trouve de tous les côtés de la cité, mais particulièrement sur la hauteur au nord, désormais appelée La Banditaccia. Que le voyageur ne conçoive pas de vaines craintes à partir d'un nom qui sonne de si mauvais augure et que son imagination pourrait le conduire à supposer dérivé du nombre de bandits infestant l'endroit.

[note : Mme Gray (historienne écossaise du XIXème siècle auteure d'un Tour des tombeaux d'Etrurie en 1840) peut être excusée d'être tombée dans cette erreur alors que la même chose a été dite par les plus hautes autorités archéologiques à Rome. En vérité, un endroit si grouillant de cavernes pourrait bien suggérer une telle appellation.]

Le nom fait simplement référence à la propriété de la terre qui, appartenant jadis à la commune, ou corporation de Cerveteri, était une terra bandita - "mise à part" - ou "interdite" au public. Et comme elle était non cultivée et accidentée, la syllabe finale descriptive de sa laideur fut ajoutée - banditaccia. Ce nom se conserva quoique le terrain ait passé aux mains du Prince Ruspoli. Pour le rejoindre à partir de Cerveteri, vous traversez l'étroit ravin au nord. Là, dans les falaises à l'opposé, est creusée une rangée de tombeaux, tous gravement abîmés à l'intérieur et à l'extérieur.

[note : L'un d'entre eux a un petit pilastre contre le mur intérieur avec un chapiteau et un tailloir (pierre plate au-dessus du chapiteau) tout à fait doriques et un fût également de proportions doriques quoique reposant sur une base carrée.]

Cette Banditaccia est un endroit singulier : une "garenne de Brobdignag", jonchée de taupinières [Broddignag est le pays des géants où se rend Gulliver dans le roman de Swift]. Elle confirme l'impression que j'avais reçue à Bieda et dans d'autres sites, que les cimetières des Etrusques étaient souvent des représentations intentionnelles de leurs cités.

Il y avait là des rangées de tombes creusées dans de basses falaises, de rarement plus de quinze pieds [4,5 m] de haut, pas empilées les unes sur les autres comme à Bieda, mais au même niveau, se faisant face comme dans des rues et parfois bifurquant latéralement en de plus petites voies ou allées. A un endroit se trouvait une place carrée - ou piazza -, entourée de tombes au lieu de maisons.

Aucun de ces tombeaux, il est vrai, ne conserve de façade architecturale, mais les falaises sont taillées en façacades lisses et droites, et ici ou là se trouvent des fragments d'une corniche ornementale découpée dans la roche.

A l'intérieur des tombes, l'analogie est préservée.Nombre d'entre elles ont une grande chambre centrale, avec d'autres de plus petite taille s'ouvrant dessus, éclairées par des fenêtres dans le mur de roche qui sert de séparation.

Cette chambre centrale représente l'atrium des maisons étrusques, d'où il fut emprunté par les Romains. Et les chambres autour sont les triclinia car chacun dispose d'un banc de pierre le long de trois de ses côtés sur lequel le défunt avait été déposé, étant allongé comme lors d'un banquet.

Les plafonds de toutes les chambres ont les poutres et chevrons habituels creusés dans la roche. Et on trouve même quelque part un ornement en relief en forme d'éventail et des murs "lambrissés", précisément comme dans une des tombes à Vulci. D'où on peut en déduire que de telles décorations ont été, à une certaine période, à la mode dans les maisons étrusques.

De nombreuses tombes de la Bandaticcia sont surmontées de tumulus. Les tumulus, en fait, ne sont guère moins nombreux ici qu'à Tarquinia. Certains d'entre eux n'ont toujours pas été fouillés, l'entrée s'en trouvant sous la surface du sol ; dans d'autres la porte ouvre sur le sous-sol qui est souvent de roche, creusé de moulures et de corniches, et plus rarement de maçonnerie.

Le cône de terre qui surmontait originellement ces tumulus est dans la plupart des cas démoli, pour certains presque au jusqu'au niveau du sol. Comme à Tarquinia, il n'y a pas de façades architecturales dans cette nécropole : la décoration est principalement intérieure. Je n'ai pas aperçu non plus plus de deux exemples d'inscriptions à l'extérieur des tombes, et celles-ci n'étaient plus lisibles.

Des tombes de grand intérêt ont été ouvertes à cet endroit à différentes périodes et il n'en reste ouvertes que quelques unes. La première que vous atteignez est une grande tombe qui gît profondément sous la surface de la colline, avec deux piliers carrés au centre et une rangée de longues niches pour les corps, enfoncées dans les murs ; à côté de ceux-ci la chambre est entourée par un banc profond séparé en compartiments pour les cadavres, qui étaient disposées non pas en ligne parallèle avec les niches, mais à angles droits, avec leurs pieds pointant vers le centre de la tombe.

Il n'y a rien d'autre de remarquable dans ce tombeau si ce n'est un mot étrusque - CVETHN - taillé dans la roche au-dessus de l'un des renfoncements, qui, d'après sa position dans un coin, semble être le commencement d'une inscription jamais achevée. Cette tombe, en taille, forme et dispositions, est très semblable à celle des Tarquins, représentée sur la xylographie ci-après [voir § "Grotta de' Tarquinj"]. Elle fut découverte en 1845. Elle est indiquée par "1" sur le Plan.


GROTTA DELLA SEDIA [Tombe de la Chaise]

Tout près, sur la pente entre Cerveteri et la Banditaccia, se trouve un tombeau, sur le plan de ceux de Bieda, avec deux petites chambres séparées par un mur de roche dans lequel sont taillés une porte et deux petites fenêtres, toutes surmontées par les tiges moulées habituelles.

Mais la merveille de cette tombe est un fauteuil, découpée dans la roche, qui se tient à côté de l'une des couches funéraires de la chambre extérieure, comme s'il s'agissait d'un fauteuil le long du lit ou une chaise pour un docteur qui visiterait un patient ! 

Mais pourquoi dans une tombe ? Etait-ce simplement pour filer toujours plus l'analogie avec une maison ? Etait-ce, comme le suggère Visconti, pour l'usage des parents qui venaient chaque année à la tombe pour y tenir des festivités solennelles  ? Ou était-ce pour l'ombre du défunt lui-même, comme si il était trop agité pour se suffire de sa couche de banquet, mais devait avoir son fauteuil également pour se reposer de ses errements ? Ou, comme Micali le pense, était-ce pour suggérer la quiétude bienheureuse de la nouvelle vie dans laquelle son esprit s'était engagé ? N'était-ce pas plutôt une chaise curule, l'insigne du rang ou de la condition du défunt, montrant qu'il fut un chef ou une personne de qualité sur cette terre ?

[note : La forme de ce siège et d'autres semblablement creusés dans la roche dans d'autres tombes de Cerveteri, est très proche celle de la belle chaise de marbre, avec bas-reliefs, au Palais Corsini à Rome, dont on pense qu'elle est étrusque et est une authentique sella curulis. On conservera à l'esprit que la chaise curule était l'un des insignia étrusques de l'autorité et qu'elle fut adopté des Etrusques par les Romains.] 

Il se peut que cela ait servi de support à une urne cinéraire : car dans la tombe de Chiusi, des canopi, ou vases en forme de bustes humains, qui étaient probablement les effigies des défunts dont elles contenaient les cendres, ont souvent été trouvés placés sur des sièges de terre-cuite de cette forme. De tels canopi ont été aussi découverts à Caere. Cette tombe a été ouverte en 1845.


En traversant l'extrêmité occidentale de la Banditaccia, nous atteignons une tombe qui s'ouvre sur sa pente septentrionale, appelée la


GROTTA DELLE CINQUE SEDIE [Tombe des Cinq Chaises]

Elle a trois chambres, l'une au centre qui a son toit sculpté de poutres et de chevrons, et une plus petite de chaque côté, ouvrant sur le passage par lequel on approche la tombe. La porte découpée dans la roche vers chaque chambre est arquée, trait inhabituel.

Dans la petite chambre à gauche, il y a cinq petits sièges allignés, creusés dans la roche, mais sans décors. Ils donnent son nom au tombeau. J'ai trouvé cette tombe remplie d'eau en juin 1876. Elle est orientée à l'Ouest-Nord-Ouest.



GROTTA DELL' ALCOVA [Tombe de l'Alcove].

Un peu au-delà de celle qui vient d'être décrite, et se tenant sous un tumulus, se trouve un autre tombeau que j'appellerai "Tombe de l'Alcove", du fait d'un grand renfoncement dans le mur le plus éloigné, presque comme une chapelle dans une cathédrale. [note : Canina appelle cette tombe "Sepolcro dei Pilastri" et en fournit un plan...]. Il y a en fait trois de ces renfoncements, comme autant d'absides, mais celui du centre est le plus spacieux, et est à l'évidence le poste d'honneur, le dernier lieu de repos du mort le plus illustre enterré ici.

Dedans se trouve une couche funéraire massive, avec coussin et oreillers à sa tête, des pieds ornés en relief et un tabouret bas, ou hypopodium, devant, tous creusés dans le vif de la roche. Il se peut que cela représente un thalamus ou couche nuptiale, plutôt que l'habituel klinè ou lectus, car il est double et a dû être occupé par quelque noble étrusque  et sa femme, dont les crânes servent toujours de memento mori pour le visiteur, bien qu'un amas confus de poussière sur la couche est tout ce qui reste de leurs corps et enveloppes charnelles.

La tombe a une ressemblance frappante avec un temple, par son aspect spacieux, sa division en ailes par les piliers et pilastres qui soutiennent le toit sculpté en chevrons, par le sombre mausolée à son extrêmité supérieure, élevé sur une volée de marches et par la masse en forme d'autel de la couche à l'intérieur. Les nombreuses amphores qui jonchent le sol ne sont pas non plus du mobilier impie : encore qu'elles suggèrent de copieuses libations à quelque dieu joyeux, répandues à l'occasion des festivités funéraires annuelles.

 Cette tombe possède d'autres traits d'intérêt. Les deux piliers cannelés qui soutiennent le toit, et les pilastres contre le mur intérieur, présentent des spécimens de chapiteaux et de moulures d'un caractère particulier, et jettent un éclairage sur ce sujet peu compris : l'architecture des Etrusques.

Caere, en réalité, est particulièrement riche à cet égard, beaucoup plus que tout autre site étrusque. Nombre de tombes toujours ouvertes ont des traits architecturaux singuliers et magnifiques. ; et d'autres du même type sont désormais perdues de vue ou refermées par de la terre. Une en particulier, par sa vastitude et l'abondance d'une telle décoration a acquis le nom de "Il Palazzo". 

Aucun des étudiants en architecture antique qui annuellement affluent à Rome, ne devrait omettre de visiter les tombes de Cerveteri, et aucun ne le regretterait. Cette tombe a été découverte en 1845.

[note : Le puits profond qui forme l'entrée de la plupart de ces tombes est généralement bordé d'une maçonnerie de tuf. Le style n'est pas uniforme. Dans ce cas, l'entrée est un emplecton, qui ressemble précisément aux murs de Sutri, Faléries et Nepi. Dans chaque cas il s'agit d'un opus quadratum, ou maçonnerie régulière, même dans ces tombes qui sont manifestement de la plus ancienne construction. Les traces fréquentes que les passages avaient été voutés par la convergence progressive des couches horizontales de matériau, établit leur haute antiquité, en ce qu'elle sont antérieures à l'invention ou du moins l'utilisation de l'arche. ]


A l'arrière de cette tombe se trouve de loin la plus intéressante qui ait été trouvée dans cette nécropole, depuis la découverte de la fameuse Grotta Regulini-Galassi. Elle doit être appelée :

GROTTA DE' TARQUINJ [Tombe des Tarquin]

ou la "Tombe des Tarquin !" Oui, lecteur, pour la première fois en Etrurie un tombeau de  cette famille fameuse a été découvert. Le nom avait été rencontré, quelques fois, sur des urnes et du mobilier funéraire, mais jamais en abondance.

[note : sur un cippus (cippe) sphérique trouvé à Chiusi était inscrit "TARCNAL" ; "TARCHNAS" sur un scaraboeus de cornaline trouvé près de Piscille (près de Pérouse) ; "TARCHI" sur une colonne au Musée Oddi à Pérouse ; "TARCHIS" sur l'une des urnes de la Tombe de' Volunni à Pérouse ; "TARCHISA" sur une urne au musée de Florence ; "TARCHU", sur un pot cinéraire noir de Chiusi, désormais dans la même collection. TARCH était sans aucun doute la forme primitive, avec inflexion en Tarch-i-u, ou un ; à partir de là, l'adjectif était formé par l'addition habituelle de na ou nas : Tarchnas (Tarquinius), Tarchnai (Tarquinia). La terminaison sa ou isa indique un lien de mariage, ou il se peut que Tarchisa équivale à Tarquitia, une famille étrusque renommée pour ses dons de divination.]

Tombe des Tarquin, Cerveteri , G. Dennis


Nous ne sommes toujours pas très sûrs qu'ils s'agisse d'un nom commun en Etrurie.Nous savons seulement qu'il doit y avoir eu une famille nombreuse de Tarquin installés à Caere. Mais ceux-ci ont-ils pu être de la même race que la fameuse dynastie de Rome ? Rien de plus probable. Nous savons que quand la famille royale fut expulsée, le roi et deux de ses fils, Titus et Aruns, trouvèrent refuge à Caere, Sextus, l'ainé, se retirant à Gabies où il fut, bientôt après, tué :

                "....[Sextus,] le faux Tarquin Qui fit l'acte honteux" [in Lays of Ancient Rome de Thomas Babington Macaulay ; en fait, Sextus viola la femme de son cousin...]

[note : Denys dit que le roi s'enfuit à Gabies, où Sextus était prince, et après y être resté quelque temps dans le vain espoir d'amener les Latins à épouser sa cause, il s'en alla vers la cité d'Etrurie d'où la famille de sa mère venait, c'est-à-dire Tarquinia. Il n'est fait aucune mention de Caere.]

Quoi de plus probable ainsi que la famille ici enterrée n'ait été en descendance directe des derniers rois de Rome ? Bien qu'Aruns, l'un des princes, fût tué peu après en un combat singulier avec le consul Brutus, à Silva Arsia, il se peut qu'il ait laissé sa famille à Caere, et que son père et son frère survécurent assez pour perpétuer le nom de Tarquin.

[note : Tite-Live dit que que le plus âgé des Tarquin et Titus son fils vinrent ensuite à Tarquinia, Veiès et Clusium afin de soulever les cités d'Etrurie en faveur de leur cause, et que quand la campagne de Porsenna eut échoué à les remettre en selle à Rome, ils se retirèrent à Tusculum, chez leur parent Mamilius Octavius. On n'entend plus parler d'eux à Cerveteri, quoique ayant choisi cette cité comme leur premier lieu de refuge dans leur exile, il soit hautement probable qu'ils aient eu des parents y résidant, de même qu'à Gabies, Tarquinia et Tusculum. L'existence de cette tombe établit au moins l'origine étrusque des Tarquin, ce que Niebhur a remis en question.] 

Quoiqu'il en soit, que le visiteur de cette tombe ait à l'esprit la possibilité, pour le moins, que les crânes qu'il manipule et que la poussière à laquelle il porte son regard, sont peut-être ceux de cette race fière, dont la tyrannie leur coûta une couronne, peut-être l'Empire du Monde.

La première chambre où l'on entre est entourrée de bancs de pierre et ne contient rien qui soit digne d'intérêt. Mais sur le sol s'ouvre une volée de marches qui conduit vers le bas, pas directement mais par un tournant à angle droit, à une chambre inférieure de bien plus grande taille. [note : la profondeur du sol sous la surface doit être très considérable, guère moins de 50 pieds (15 mètres). La chambre supérieure est orientée Sud-Sud-Est. La tombe fut découverte en 1845.] 

Les paysans l'appellent la "Tombe des Inscriptions", et aussi mérite-t-elle bien ce nom, car elle n'a pas simplement une longue inscription unique, comme sur le pilier de la Tombe de Pompée à Carneto, ni un nom ici ou là, comme dans la Tombe des Inscriptions au même lieu : non cette tombe parle par épigraphes, chaque niche, chaque banc, chaque portion de mur va parler étrusque, et se fait écho du nom de Tarquin.

Cette chambre est un carré, ou presque, de trente-cinq pieds [10 m] de côté, avec deux piliers massifs au centre et un rang de treize renfoncements pour les cadavres, dans les murs, tandis qu'en dessous se trouvent un double gradin de bancs creusés dans la roche qui servaient aussi de cercueils pour les morts. Les murs, niches, bancs et piliers sont tous stuqués, et les inscriptions sont peintes en rouge ou noir, ou en quelques cas simplement marquées par un doigt sur le stuc humide.

Observez ces épigraphes éraflées. Elles sont remarquables pour la merveilleuse fraicheur de leur impression. Le stuc ou le mortier s'est durci en crêtes proéminentes précisément comme il était déplacé : et on pourrait supposer que l'inscription n'est que de la veille au lieu qu'elle date de beaucoup plus de deux mille ans.

Aucun doigt, par même le doigt d'effacement du Temps, ne l'a touchée depuis celui de l'Etrusque, qui il y a tant de siècles inscrivit le nom de son ami qui venait de partir.

Si je devais insérer toutes les inscriptions de cette tombe, je fatiguerais gravement le lecteur. Qu'une suffise à montrer la forme étrusque du nom de Tarquin.


Ce qui en lettres romaines serait :

                                                                             AVLE - TARCHNAS - LARTHAL - CLAN

Le nom, que ce soit en étrusque ou en latin, apparaît pas moins de trente-cinq fois ! Combien plus souvent était-il répété sur les parties où la peinture est partie ou s'est estompée, ou dans les inscriptions devenues de quelque autre façon illisibles, je ne sais dire, mais je pense que pas moins de cinquante épitaphes avec ce nom ont dû être originellement inscrites dans cette tombe.

[note : les inscriptions latines dans cette tombe n'indiquent pas nécessairement une datation très tardive : si la famille était de sang royal romain, l'usage occasionnel des caractères latins peut s'expliquer, sans rattacher ces épitaphes à la période de la domination romaine. Bien plus, même en lettres latines le nom conserve parfois sa forme étrusque - "TARCNA" - qui est vraiment originale et qui est une présomption d'ancienneté.]

J'ai noté un fait, qui semble renforcer la probabilité que cette famille était de la race royale, à savoir qu'elle apparaît s'être conservée elle-même par des mariages endogènes et s'être peu mélangée avec d'autres familles étrusques. Du moins quand on compare avec des tombes similaires, celles de Pérouse par exemple, on trouvera que ce tombeau contient peu d'autres noms de famille introduits dans les épitaphes comme matronyme.

[note : dans plus de quarante inscriptions je n'ai pu trouver que onze noms d'autres familles ; et parmi ceux-ci, sept seulement étaient en caratères étrusques, et liés au nom de Tarchnas : les quatre autres étaient en latin, et très différents.]

La plupart des niches sont doubles ou pour deux cadavres. Certaines, à côté d'inscriptions, ont des décorations peintes : une couronne de fleurs, par exemple, sur un côté, et quelques crotala, ou castagnettes, sur l'autre ; ou une couronne de fleurs et un petit pot ou alabastros, représentés comme suspendus au-dessus du cadavre.

On trouve d'élégants pilastres entre les niches, et devant se trouvent les jambes des couches et les habituels tabourets à longs pieds en forme de pattes, tous peints sur le stuc de façon à faire ressembler chaque lit mortuaire à une couche festive.

Sur l'un des pilliers carrés qui soutiennent le toit avec des poutres, est peint un grand bouclier rond. Au plafond, entre les pilliers, se trouve une cavité découpée dans la roche, dans la surface plane au-dessus, encore recouverte des dalles avec lesquelles on la ferma quand le dernier de "la grande maison des Tarquin" fut étendu dans cette tombe.

[note : voir gravure ci-dessus. La cavité était utilisée soit comme entrée une fois que la porte d'entrée avait été fermée, au moyen de niches découpées pour les pieds et les mains ; ou bien a pu servir, une fois enlevées les dalles qui la recouvrent, pour ventiler le tombeau, en vue des parentalia (fêtes funèbres) annuelles. De telles cavités sont des plus communes dans les tombes de Faleries, mais là, elle s'ouvrent généralement dans l'antichambre, rarement dans la tombe elle-même.]

Comme la plupart des tombes de la Banditaccia, qui sont sous la surface du sol, celle-ci était à moitié emplie d'eau, comme c'est généralement le cas en hiver. Au prix de pieds mouillés, je m'efforçais de les examiner toutes : mais après des pluies abondantes, une visite à Caere pourrait s'avérer pour beaucoup sans profit.

Une tombe était complètement scellée par de la terre drainée par au-dessus, de sorte que je fut obligé de la dégager à nouveau pour mon inspection particulière.


GROTTA DE' SARCOFAGI [Tombe des Sarcophages]

Près de la Tombe des Tarquin se trouvre un autre tombeau, enfoncé profondément sous la surface du sol, et accessible par un passage étroit identique bordé de maçonnerie. Je le désigne comme la "Tombe des Sarcophages" parce qu'il contient trois de ces grands monuments qui sont très rarement trouvés à Caere, les morts étant en général couchés sur leurs couches funèbres de roche, sans autre couverture que leur vêtement ou leur armure.

Ici les sarcophages sont en marbre. Deux ont la silhouelle drapée d'un homme sur le couvercle, dans un style artistique archaïque. Le premier est étendu sur le dos, sa main droite reposant sur son ventre et la gauche tenant le torque [collier rigide] qui entoure son cou. Il a des traits remarquablement fins et porte des moustaches et la barbe, et un chapelet de feuilles autour de son front.

Quatre petits lions, de l'art des plus étranges et primitifs, entourent sa couche, un à chaque angle. L'autre figure, allongée à sa gauche, porte un chapelet et tient une phiala [une fiole] dans sa main droite cependant que sa main gauche repose sur sa poitrine. Ses cheveux sont arrangés en boucles raides que l'on voit sur les bronzes étrusques primitifs ; ses yeux sont peints en noir, ses lèvres en rouge ; le reste du monument est sans couleur. A chaque épaule se trouve un petit sphinx, et un petit lion à chaque pied. 

Un autre sarcophage de modèle similaire a été trouvé dans cette tombe, plus intéressant encore que ceux décrits en ce qu'il portait nombre de silhouettes en relief et colorées, mais il a été transferré au Musée Grégorien [Vatican].

Ces silhouettes ont un air particulièrement primitif : elles sont différentes de celles généralement sculptées sur les couvercles des sarcophages qui, en vérité, sont rarement d'un type archaïque. Elles présentent une forte ressemblance avec certains sarcophages archaïques trouvés très récemment à Tarquinia, et désormais au Musée de Corneto [Tarquinia].

Le troisième sarcophage a la forme d'un temple avec un toit de tuiles, mais sans décorations sculptées.

Le marbre duquel ces monuments sont formés vient, de l'avis de Canina, du promontoire de Mont Circé [sur la Mer Tyrrhénienne entre Naples et Rome], où, d'après le nom d'une ville près de la carrière et grâce à sa transparence, on le connaît en tant qu'albâtre de San Felice. Le même marbre était employé pour les sarcophages archaïques de Tarquinia et Vulci, et les Etrusques en firent usage, quoique avec modération, jusqu'à ce qu'ils fassent connaissance avec le marbre de Luna [ancienne ville de Ligurie, province au nord de l'Etrurie].

Sur l'un des mur de la tombe on a griffoné une inscription étrusque qui en lettres romaines serait V : APUCUS : AC et sur une pierre qui servait de cippus [cippe] j'ai lu LARTHI AP. VCUIA, en caractères étrusques. D'où il semble probable que cette tombeau était celui d'une famille appelée Apucus (Apicius ?).

L'avant des couches est peint de monstres marins, dauphins, lions et d'autres animaux, sur une surface de stuc. Il y a des traces de peinture aussi sur les murs de la tombe, mais rien n'est désormais intelligible en dehors d'une bande habituelle en forme de vague sur le mur intérieur.


Immédiatement au-dessus de la tombe décrite en dernier, s'en trouve une ouverte au printemps 1846 qui a des peintures sur ses murs. Elle est désignée comme la


GROTTA DEL TRICLINIO [Tombe du Triclinium]

Le tumulus sous lequel elle se trouve est entouré par un mur de pierres en vrac, et la porte de la tombe est surmontée par trois rangs de maçonnerie. Cette tombe n'a qu'une chambre unique de vingt-quatre pieds [7m20] par seize [4m80], entourée par de profonds bancs de roche sur lesquels les morts étaient déposés, et à la tête de chaque compartiment, quand je la vis pour la première fois, gisait un crâne, ce qui étonna mon regard quand j'entrai dans le tombeau.

Juste derrière la porte se trouvent des bas-reliefs - un sanglier sauvage d'un côté et une panthère déchirant sa proie, de l'autre. Mais les peintures ? Cela nécessite un examen attentif pour les distinguer tant elles ont souffert de l'humidité. Et si vous ignoriez leur existence vous pourriez visiter la tombe sans les apercevoir.

Le stuc blanc sur lequel les scènes sont peintes s'est changé par l'humidité en une teinte sombre comme la roche originelle. En quelques endroits seulement où il est demeuré sec, les peintures ont conservé leur netteté.

Sur le mur de gauche vous voyez les têtes d'un homme et d'une femme qui sont allongés ensemble à un banquet : et ce sont de belles têtes, avec des traits de symétrie grecque et plus de maîtrise et de délicatesse dans le dessin qu'on n'en trouve ordinairement dans les peintures tombales d'Etrurie.

Il est auréolé de laurier et porte une courte barbe, et sa chair est de la couleur rouge profonde ordinaire, la couleur conventionnelle des dieux et des héros. Mais la sienne est de la teinte blanche du stuc, quoique sa joue ait une touche de rouge. il lui tend une phiala, ou un bol de vin, à quoi elle répond d'un regard approbateur en tournant sa tête vers lui.

Son visage et son expression sont extrêmement jolis, et une calotte bigarée ainsi qu'une boucle de cheveux au côté de son visage ajoutent à ses charmes. Elle porte aussi un collier et une torque d'or. Une table ronde, posée sur trois pattes de cerf, se tient à leur côté, avec de la viande, des fruits, des oeufs et des gobelets ; et un grand bouclier rond est suspendu au mur derrière. Vous pourriez le prendre pour un portrait de Périclès qui viendrait juste de déposer son armure et serait en train de porter un toast à Aspasie.

                     A maraviglia egli gagliardo, ed ella

                     Quanto si possa dir, leggiadra e bella.

                     [Lui d'un courage merveilleux, et elle

                     Gracieuse et belle autant qu'il se peut dire (Roland Furieux - Chant LI - Arioste)]

On doit juger le reste de la tombe d'après ces têtes car une scène identique est répétée encore et encore sur les murs : huit autres couples sont allongés sur la couche de fête, chacun avec une table tripode à son côté et un bouclier suspendu au-dessus.

[note : un trait singulier est que au lieu d'un lectus (couche, lit) pour chaque paire, les fêtards sont ici peints allongés sur une couche continue qui, comme elle occupe trois murs de la tombe, peut être supposée représenter un triclinium tel que les Romains en utilisaient. Les silhouettes reposent ici sous une couverture, ou stragulum, rayée rouge et blanche ou bleue et blanche. Les petites tables sur le côté du triclinium ne sont pas les habituelles trapezai (= tetrapezai) à quatre pieds, comme dans la plupart des peintures de Tarquinia, mais des tripodès avec seulement trois pieds.]

Mais les femmes ont perdu le teint clair de leur sexe et, du fait de la décoloration du stuc, sont devenues aussi sombres que des négresses ; tandis que les hommes, du fait de leur complexion couleur poussière de briques sont bien plus distincts. Les hommes ne sont pas à moitié drapés comme dans les tombes plus anciennes de Corneto, mais sont tous habillés de tuniques blanches, les femmes en jaune.

Au centre du mur central se tient un couple d'esclaves, à une large table ou buffet, avec dessus et dessous divers vases et gobelets et un haut candelabrum de chaque côté, dont on voit l'homologue aussi sur le mur de côté.

[note : les banquets à la chandelle sont rarement représentés dans les tombes étrusques : les fêtards sont généralement peints couchés à l'ombre d'un lierre ou d'une vigne ou au milieu d'un bosquet de myrte. Même dans la Grotta Querciola, à Corneto, quoiqu'un candelabrum soit introduit, les couches festives sont entourées d'arbres. Dans la Tomba Golini, à Orvieto, toutefois, des candelabra sont peints avec la lumière qui brûle, mais là les peintures représentent à l'évidence des scènes dans l'Hadès (Enfer) étrusque. Les candelabra dans cette tombe de Caere méritent une attention particulière car ils sont peints avec nombre de petits vases attachés par le pied en paquet et avec des fruits et des fleurs sur le dessus. Des candelabra avec des vases ainsi attachés ont été découverts dans des tombes étrusques à Vulci. Nous apprenons de cela un usage secondaire auquel ces élégants articles de mobilier étaient destinés.]

Sur un vase à mélanger qui se trouve sur cette table ou buffet, est inscrit le mot "IUNON" en lettres romaines, qui ne peut guère faire allusion à la déesse "aux yeux de vache" ou "aux bras blancs", mais doit plutôt se réferrer à la Junon, ou esprit qui préside, de quelque belle Etrusque, probablement de la principale dame  enterrée dans cette tombe.

Le devant des couches funéraires est également peint : au-dessus, avec les habituels motifs en forme de vague ; en-dessous, avec des animaux, dont une paire d'hippocampi ailés, d'un style très enlevé, et un dragon avec des ailes vertes sont les seuls discernables.

[note : Sur le sol de cette tombe se trouve un puits oblong, exactement comme celui qui s'ouvre dans le plafond de tant de tombeaux à Civita Castellana et comme on le voit dans le toit de la Tombe des Tarquins (gravure ci-dessus). Je ne sais dire s'il s'agit du conduit vers une seconde chambre funéraire en-dessous, comme l'analogie le suggère, ou s'il s'agit simplement de drainer la tombe, car je l'ai trouvé plein d'eau. Dans la soi-disant "Tombe de Solon" à Gambet Li, en Phrygie (Kiimbet, en Turquie orientale), décrite par Steuart (John Robert) dans son ouvrage sur la Lydie et la Phrygie, un puits ou un conduit identique est enfoui au milieu d'une chambre funéraire. J'ai trouvé la même chose aussi dans des tombes grecques en Sicile.]

Les couleurs dans cette tombe ont été posées à la détrempe, pas al fresco. La liberté du dessin, pour autant qu'il soit discernable, le caractère grec des traits et le visage entier de certains des hommes, sont des preuves claires d'une date tardive, une date certainement postérieure à la conquête romaine. Et cela est confirmé par la présence de l'inscription latine [note : Canina appele cette tombe "Tomba delle Pitture", et l'attribue à la fin de la République (romaine)]. Cette tombe est orientée au sud-est.

Une tombe peinte à Cerveteri a un intérêt particulier car c'est le seul site en Etrurie où nous avons une trace historique de l'existence de peintures anciennes. Pline parle de certaines qui existaient toujours à son époque, qui étaient ordinairement considérées comme ayant été exécutées avant la fondation de Rome.

Celles qui sont dans cette tombe peuvent à peine se revendiquer d'une antiquité purement étrusque. Un autre tombeau, cependant, fut découvert il y a une quarantaine d'années qui contenait de figures d'hommes et d'animaux dans un style très archaïque, affectant dans leur traits multicolores beaucoup de ressemblance avec ceux de la Grotta Campana à Véies. La tombe est encore ouverte et se situe sur une pente au nord de Cerveteri, et pas loin de la "Tombe des Sièges et des Boucliers", mais elle n'est pas aisée à trouver et est pleine d'eau en hiver. 

[note : M. Ainsley dit des peintures de cette tombe qu'elles sont plus archaïques que toute celles de Tarquinia. Kramer en a donné une description qui les figure avec  un aspect des plus grossiers, peintes sur le tuf poreux nu, qui n'a subi aucune préparation, n'étant même pas poncé, pour les recevoir. La tombe était presque de forme éliptique et avait en haut et en bas un bandeau de figures. Celles du bas étaient presque effacées, mais en haut, il y avait un homme avec une barbe pointue et un gilet fermé, qui tirait une flèche à un cerf, un lion qui dévorait un cerf - tandis qu'un second lion, accroupi à côté, regardait -, un bélier qui fuyait un autre lion, et des fragments d'autres ainimaux, et un second homme avec un arc.

Il y avait beaucoup de vérité et d'expression dans les animaux, malgré leur bigarure peu naturelle. Les seules couleurs utilisées dans cette tombe sont le noir, le blanc, et le rouge. Le visage et les jambes de l'archer sont peintes en blanc - un fait singulier dans la mesure où c'était la couleur conventionnelle des femmes. Les moulures des portes étaient rayées en diagonale, comme dans l'architecture égyptienne, en rouge, blanc et noir. Beaucoup des figures ci-dessus ont désormais disparu et à moins que des dispositions de soient prises pour les préserver, le reste périra bientôt.]

 

Traversant la longue rue de tombes et de tumulus, à l'extrêmité nord-est de la Banditaccia, près d'un grand tumulus avec une base circulaire creusée dans la roche, nous atteingnons la


GROTTA DEI RILIEVI [Tombe des Reliefs]

ou "Tombe des Reliefs", ainsi dénommée à cause de ses décorations particulières. Elle a été découverte en 1850 par feu le Marquis Campana et on y pénètre par une longue volée de marches enfoncées profondément dans la roche, le passage étant bordé de maçonnerie d'emplecton [deux parements de murs dont le centre est empli de maçonnerie de blocaille, à bain de mortier]. L'entrée du passage est gardée par deux lions de tuf, grandeur nature.

Cette tombe ressemble à celle des Tarquins par son plan : elle est entourée par de larges bancs de roche ; elle a une série de renfoncements funéraires creusés dans ces murs et son toit est soutenu par deux piliers taillés à même la roche. Mais son intérêt est d'une nature très différente.

Celui de la tombe précédente rédide dans les associations historiques liées à la famille qui y est enterrée et aux nombreuses épitaphes mentionnant le nom de Tarquin. L'intérêt de ce tombeau, qui appartint à une famille étrusque sans renommée, réside dans ses décorations singulières et abondantes, dans les nombreuses représentations d'armes et d'autres ustensiles, généralement domestiques, parfois religieux, à la fois sculptés et peints sur ses murs, piliers et pilastres. Par ces particularités, elle est unique parmi les tombeaux restants d'Etrurie.

Elle est de plus petite taille que la tombe des Tarquin : seulement environ vingt-cinq pieds [7,50m] de longueur par vingt-et-un pieds [6,50m] de largeur : la hauteur au-dessus des bancs de roche sur lesquels reposent les piliers est d'environ sept pieds [2,10m]. Le toit, qui est presque plat, est sculpté pour donner une large poutre et des éléments de charpente.

Les bancs qui entourent la chambre ne sont pas l'habituelle bordure étroite saillant des murs, mais de vastes gradins de tuf sur lesquels les morts étaient posés à angle droit avec les murs, les lits, au nombre de trente-deux, étant séparés par d'étroites arrêtes laissées dans la roche. Enfoncées dans le mur au-dessus des bancs se trouvent nombre de niches horizontales, treize en tout, chacune pour un corps,  et chacune avec un coussin taillé dans la roche, peintes en rouge sombre.

Ces niches sont séparées par des pilastres cannelés - et chaque pilastre porte un bouclier sculpté en relief - qui ont des chapitaux de type ioniques avec des fleurs de lotus pendant des volutes.

Au dessus des niches une frise se déploie, décorée par une série d'armes, offensives et défensives, toutes sculptées en haut relief et colorées. Là on trouve des casques, des jambières, des épées, des boucliers et un double rang de grands boulets, apparemment de pierre, probablement des missiles utilisés avec des catapultes.

[note : M. Noël des Verges (Etrurie et les Etrusques) les considère comme étant des phalerae, plaques de métal utilisées pour décorer la poitrine des héros victorieux ou ornements utilisés sur la tête des chevaux, dont Florus nous dit que les Romains les avaient reçus des Etrusques. Il les dessine dans ses planches comme des pompons, mais à mes yeux ils apparaissent  représenter de nombreux boulets de grande taille, ficelés par une paire de corde robustes, la balle inférieure étant de loin la plus grosse.]

Au-dessus de la porte, toutefois, les armes cèdent l'espace à deux têtes de taureaux, liées par des filets comme pour un sacrifice, et à une patera [vase rituel large et peu profond] de bronze suspendue entre les deux pour la libation. A gauche de la porte pend également un plat quadrangulaire plat, d'aspect métalique, probablement pour porter la viande, car il ressemble de très près aux plateaux des bouchers utilisés de nos jours en Italie. 

Tombe des reliefs, Cerveteri, Sir Gardner Wilkingson

Sur chaque montant de la porte pend un grand plat à deux poignées (lepaste), probablement de métal, et en dessous, une trompette circulaire ou trompe [note : le keras dont on apprend par Athénée de Naucratis qu'il fut inventé par les Etrusques].

Au-dessus de la niche centrale dans le mur intérieur, on trouve sur les frises deux boucliers qui flanquent un casque d'une forme particulière, et une épée suspendue dans son foureau. Sur la corniche étroite au-dessus de la frise, des épées sont représentées, certaines nues, d'autres dans leur foureau, entre des calottes rouges et jaunes.

On trouva dans plusieurs niches sépulcrales des armures complètes en bronze - cuirasse, casque et jambières - bien que les héros qui les avaient portées aient depuis longtemps été réduits en poussière, mais, quand la tombe fut ouverte, dans la niche centrale qui était évidemment la place d'honneur, le squelette du guerrier qui l'occupait gisait toujours, allongé dans son suaire métallique.

Le mur en-dessous de lui a des pieds sculptés de manière à ressembler à une couche, et sous lui est représentée une des mystérieuses divités des Etrusques, Hadès, Typhon ou Charun, portant un gouvernail dans sa main droite et un serpent dans la gauche, tandis que les serpentins par lesquels se terminent son corps semblent flotter au-dessus de l'hypopodium ou tabouret bas, complément habituel des couches de banquet.

Cerbère se tient derrière le tabouret, ses trois têtes peintes de différentes couleurs, rouge, blanc et noir, et son cou hérissé d'un collier de serpents. A gauche de la scène un placard ou une commode carrée, peinte en rouge et blanc, avec un trou de serrure. Sur les pilastres qui flanquent la niche centrale sont représentées deux têtes très effacées : l'une représente à l'évidence un homme barbu et sous lui pend un kylix [vase à vin de banquet peu profond] et un olpé rouge [broc à vin de céramique].

L'autre tête est presque effacée : le visage a vraiment disparu mais, d'après un chapelet - quelques chaînes de perles rouges, et un éventail circulaire suspendu en-dessous, nous pouvons en déduire qu'elle représente une femme. Mais d'un autre côté, une canne qui repose contre la couche, n'est guère en rapport avec cette déduction. Comme cette niche centrale contenait deux corps, les bustes sur les pilastres étaient selon toute probabilité les portraits du guerrier et de sa femme.

[note : M. Noël des Verges les représente comme des sacs à main, mais pour Sir Garner Wilkinson, aussi bien que pour moi-même, elles apparaissent clairement représenter des têtes en relief. La barbe bouclée de la tête masculine est des plus distinctes. L'autre a quelque chose de noué autour de sa gorge, comme c'est souvent le cas avec les silhouettes de femmes dans les reliefs étrusques.]

Sur tous les pilastres latéraux qui séparent les niches sont des boucliers en relief, peints en jaune comme pour représenter du cuivre ou de l'or, de cette forme circulaire d'Argolide qui seule semble avoir été utilisée par les Etrusques, et que les Romains ont adoptée de préférence au bouclier carré qu'ils avaient utilisé précédemment.

Les deux piliers au centre de la tombe ont une section carrée d'environ vingt-cinq pouces [63cm] carrés et ont des chapiteaux semblables aux chapiteaux ioniques  mais avec un anthemion, ou ornement en forme de chèvrefeuille, lié à chaque volute, qui leur donne une apparence singulière quoique loin d'être inélégante.

Deux faces de chaque pilier ont des figurations d'instruments sacrés ou domestiques  variés  qui requièrent une descritption détaillées. Sur le pilier de gauche, et sur la face en face de la porte, ont voit pendu à un clou, tout près du chapiteau, une paire de ces mystérieux bâtons tordus qui sont figurés seulement dans deux autres monuments d'Etrurie - la procession d'âmes et de démons sur les murs de la Tombe du Typhon à Corneto et celle qui se trouve sous le portique de la Tombe Temple de Norchia -.

Leur utilisation était à l'évidence religieuse et leur présence dans cette tombe indique probablement l'inhumation de quelque augur [prêtre] ou aruspex [devin] ou il se peut que ce soit de quelque Lucumon [chef] de haut rang dans la hiérarchie étrusque. Ces bâtons sont de couleur blanche et jaune comme pour figurer du bois.

A leur côtés, pend une lanière de cuir enroulées sur plusieurs boucles, probablement une fronde ; et telle doit être aussi la bobine de corde suspendue au-dessous, près de la base du même pilier. De l'autre côté que celui des bâtons sont accrochés un large olpé, ou cruche, et un gros bâton suspendu par une corde ; un peu plus bas une hache et une épée - ou un couteau - à longue lame, tandis qu'au pied du pilier un chat tacheté s'amuse avec une souris.

Sur le même pilier, mais sur le côté opposé à l'autre pilier, sont suspendus très haut un long lituus droit, ou trompette, un kylix, ou coupe à boire, peint, et une bouteille qui pend par une longue ficelle autour de son col. En-dessous pend une dague dans son foureau, un sac à main d'apparence très moderne, avec une petite bouteille et une plaque qui pendent au-dessus, et un meuble indéfinissable qui a plus l'aspect d'un support de lampe que de quoique ce soit d'autre. A la base du pilier une oie picore du blé.

Sur l'autre pilier on voit accrochée une autre paire de bâtons, et à leur côté un grand disque ou tambour, suspendu par une lanière de cuir. En-dessous pend une hache, une caisse en bois ou cadre, contenant une paire de couteaux, un paquet de sept longues broches, ficelées et liées ensemble - dont l'équivalent en bronze peut être vu au Musée Grégorien -, une massue et un petit pot comme un encrier. Et à la base du pilier il y a un grand globe, apparemment de métal, posé sur un support en bois qui, d'après le maillet court et lourd accroché à côté, est considéré comme figurer un gong étrusque.

Sur la face interne du même pilier est accrochée une grande plaque longue avec deux poignées, disposée comme pour recevoir une inscription. Elle est flanquée par un lituus semblable à celui du pilier opposé et par ce qui semble être une cuillère ou une louche. Dessus est accroché un petit sac rouge attaché par une longue épingle. Dessous pend une paire de tenailles, une massue et un maillet, et entre ceux-ci un canard est figuré. Au pied du pilier se trouvent une tortue et un chien avec une cloche autour de son cou, attrapant un lézard.

A l'entrée de la tombe se tiennent deux cippi [cippes] en marbre de la forme d'un chapeau de paysan calabrais, dont l'un porte l'inscrition étrusque :


"MATUNAS LARISAL

AN. CNEVTHIKHER CHUNTHE."


Dans trois des niches le nom "Matunas" apparaît d'où on peut en déduire que le tombeau appartenait à une famille de ce nom. La tombe est orientée sud-sur-ouest.

Un peu à l'ouest de la tombe Matunas s'en trouve une autre sous un tumulus qui a une chambre de chaque côté de l'enrée, un atrium - ou hall central - spacieux avec un toit plat soutenu par deux pilier décagonaux avec des chapiteaux ioniques abâtardis, et trois chambres intérieures avec des portes étrusques et de petites fenêtres ouvrant sur un atrium. Le toit est sculpté d'une poutre et de chevrons, et les espaces entre ces derniers sont emplis de formes diagonales, presque comme des chevrons.


A une courte distance au sud de la Tombe des Reliefs, et sous un grand tumulus, se trouve un tombeau appelé, du fait de son mobilier particulier, la


GROTTA DELLE SEDIE E SCUDI [Tombe des Chaises et des Boucliers]

ou "Tombe des Chaises et des Boucliers". Cette tombe fut découvert en 1831, mais n'ayant pas été protégée sous clé, comme la plupart de celles décrites, elle étouffe désormais sous les ordures, au point de n'être guère accessible. Pourtant c'est l'un des plus intéressants tombeaux de la Banditaccia. Il contient pas moins de six chambres, et par leur disposition et leur ameublement, et par sa ressemblance manifeste avec une antique maison, on peut le considérer comme un monument typique.

La grande chambre au centre, marquée e sur le plan annexé, représente  l'atrium ; les chambres intérieures, marquées f, f, f, les triclinia ou cubicula ; celles qui sont à l'extérieur de l'entrée, marquées c, c, les pyloria ou cellulae janitoris.

Mais la caradctérstique la plus singulière de cette tombe est formée des deux fauteuils avec des repose-pieds attachés, taillés à même la roche, et un bouclier sculpté en bas relief, accroché contre le mur au-dessus de chacun.

Tombe des Sièges et des Boucliers


Quand on regarde autour de la principale chambre, on aperçoit pas moins de quatorze semblables boucliers en relief, suspendus autour des murs. Il sont circulaires, comme les boucliers d'Argolide, d'environ un mètre de diamètre, et vraiment simples, sans rebord ni bossage. La gravure ci-dessus, qui fournit une section de la tombe, montre les sièges qui se tiennent entre les portes des chambres intérieures, avec les boucliers pendus au-dessus d'eux. [note : Canina fait l'erreur de situer cette tombe sur le Monte d'Oro, près de Ceri.]

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chapitre XIX - Bieda - Blera

Chapitre I - Véies, la ville